Par un arrêt publié du 17 septembre 2020 (pourvoi 18-23.626), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation consacre une solution sévère rappelant aux plaideurs l'attention qu'ils doivent porter à la rédaction de leurs conclusions d'appel.
1 - Consécutivement à la faillite d’une banque turque, l’un de ses associés, Monsieur U., s’était vu condamner par des juridictions stambouliotes à lui payer diverses sommes.
Le liquidateur de la banque avait fait pratiquer des saisies conservatoires sur des comptes, droits sociaux et meubles de Monsieur U., qui avait contesté ces saisies et demandé leur annulation et leur mainlevée devant le Juge de l’exécution du Tribunal de grande instance de Paris.
2 - Débouté de ses demandes, Monsieur U. interjette appel et sollicite, aux termes de ses premières conclusions d'appel l’annulation et la mainlevée des saisies, comme devant le premier juge, sans solliciter expressément l’infirmation du jugement.
La Cour d’appel de Paris ne s’en émeut pas, et, avant d’annuler la saisie conservatoire de meubles, retient :
- d’une part que les prétentions formulées par Monsieur U. « s’analysaient nécessairement comme des critiques du jugement ayant rejeté » ses demandes tendant aux mêmes fins,
- d’autre part que la déclaration d’appel « mentionnait expressément que celui-ci tendait à la réformation ou à l’annulation du jugement attaqué et précisait […] les chefs du jugement critiqués »,
3 - La Cour de cassation censure cette décision et estime qu’il « résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement ».
Sans doute la solution ainsi énoncée est-elle compatible avec la lettre de l’article 954 du Code de procédure civile, qui dispose en son alinéa 3 que la Cour « ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ».
Reste un certain sentiment de malaise, causé par une sanction disproportionnée – la perte pure et simple du droit à un nouvel examen au fond du litige puisque l'article 910-4 du Code de procédure civile interdit de régulariser la situation à l'occasion du 2nd jeu de conclusions – au regard de l’erreur procédurale commise par l'avocat, qui se résume en réalité à une simple omission matérielle, dénuée de la moindre influence sur la délimitation de l’objet du litige.
Car en l’espèce, ni la Cour d’appel ni l’intimé ne pouvaient sérieusement douter de l’intention de l’appelant d’obtenir l’infirmation du jugement, au regard notamment de la remise au greffe d’une déclaration d’appel visant expressément les chefs critiqués de celui-ci, et le dépôt dans les délais légaux de conclusions réitérant les prétentions formulées en première instance, dont l’appelant avait été débouté.
La Cour d’appel avait, nous semble-t-il, dégagé une solution plus juste en considérant que la prétention visant à l’infirmation du jugement attaqué découlait implicitement mais nécessairement des différents actes de procédure accomplis par l’appelant.
4 – Soucieuse de garantir la sécurité juridique des justiciables et le droit au procès équitable, la Cour de cassation limite l’application de la solution ainsi consacrée aux déclarations d’appel régularisées postérieurement à son arrêt.
Maigre consolation pour les futurs appelants, qui devront redoubler de vigilance lors de la rédaction de leurs conclusions.
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